Dans le système économique contemporain, l’entreprise constitue, avec les consommateurs et l’État, l’un des trois agents fondamentaux de l’activité économique. L’entreprise, en tant que moteur essentiel de l’économie, a endossé au cours de l’histoire différents rôles qui méritent d’être analysés dans une perspective historique approfondie.
Bien que ce ne soit qu’aujourd’hui que l’entreprise a acquis sa pleine dimension et complexité, la réalité est que cette figure organisationnelle existe depuis plusieurs siècles. Nous examinerons ci-dessous son évolution historique, en fonction des systèmes économiques dominants à chaque époque donnée.
Le mercantilisme : l’émergence des sociétés commerciales
Les XVIIe et XVIIIe siècles demeureront dans l’histoire comme ceux de l’établissement du capitalisme mercantile, dont la raison d’être principale réside dans le commerce en tant qu’activité économique fondamentale. C’est dans ce contexte qu’apparaît la société de commerce, unité organisée dont l’activité principale était le développement du commerce international.

De plus, c’est à cette époque que se développe considérablement l’activité bancaire, qui fonde son activité principale sur le financement des campagnes militaires des puissances de l’époque. Les Compagnies des Indes constituent les premières compagnies commerciales connues. Leur objectif n’est autre que de commercer avec des territoires éloignés de l’Europe, qui s’ouvrent pour la première fois au monde commercial.
Ces entités pionnières combinent le crédit et l’autorité de l’État avec les ressources et l’activité des particuliers. Les Compagnies les plus importantes se voient investies de pouvoirs souverains, comme le droit de lever des impôts, de conclure des traités, et d’entretenir leur propre armée. La Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales (VOC), fondée en 1602, illustre parfaitement cette évolution avec sa flotte de plus de 100 navires et son monopole du commerce avec l’Asie.
Le capitalisme industriel : la transformation en unités de production
Au XIXe siècle, les systèmes économiques sont portés par les effets de la révolution industrielle du siècle précédent. Cela a donné naissance à un type d’activité économique qui n’était pas aussi simple que le précédent, mais beaucoup plus complexe. C’est dans ce contexte que naissent les entreprises dites industrielles qui, comme leur nom l’indique, se consacraient essentiellement à des activités de transformation, de sorte que la plupart des entreprises de l’époque étaient des usines, dont la principale raison d’être était de se comporter comme des unités économiques de production.
Les usines ont entraîné une transformation totale des processus de production de l’époque. Le travail est devenu plus mécanique que manuel, ce qui a entraîné la nécessité d’employer de plus en plus de travailleurs dans les entreprises. Les petits ateliers artisanaux disparaissent progressivement et leur activité est transférée dans les usines elles-mêmes. La croissance économique des entreprises de cette période s’accélère et les premières grandes entreprises voient le jour, ainsi que des marchés monopolistiques et oligopolistiques dans lesquels une ou quelques entreprises se partagent la totalité du marché.
Cette période marque l’émergence d’une nouvelle forme d’organisation du travail et de production, caractérisée par la concentration des moyens de production et l’augmentation significative des effectifs. L’entreprise industrielle devient alors le symbole du progrès technique et économique.
Le capitalisme financier : la séparation propriété-gestion
À partir du début du XXe siècle, la production cesse d’être la seule préoccupation des entreprises. La croissance des entreprises a été telle que, pour la première fois dans l’histoire, il a fallu différencier les figures de l’entrepreneur et des détenteurs de capitaux.
Dans ce contexte, l’entreprise a cessé d’être exclusivement une unité de production pour devenir une unité financière et décisionnelle. Le capital financier est né de la nécessité de trouver de nouvelles sources de financement, les entreprises ayant besoin d’un plus grand volume de capital pour intégrer les innovations technologiques et réaliser la concentration du marché entre les mains de grands groupes, de trusts et de holdings.

Le besoin de capitaux a conduit au développement du crédit bancaire. Par ailleurs, pour réunir les capitaux importants dont les entreprises ont besoin pour être viables, des personnes se sont regroupées, donnant ainsi naissance aux sociétés anonymes, dont le capital est divisé en actions qui sont achetées et vendues sur les marchés boursiers.
Cette évolution marque l’avènement de l’entreprise moderne, caractérisée par la séparation entre la propriété (actionnaires) et la gestion (managers), ouvrant la voie à de nouveaux modes de gouvernance et de contrôle.
L’entreprise aujourd’hui : l’acteur complexe de la mondialisation
Aujourd’hui, le rôle des entreprises est devenu beaucoup plus complexe en raison de phénomènes tels que la mondialisation et les progrès incessants des nouvelles technologies de l’information et de la connaissance. Dans les entreprises d’aujourd’hui, surtout les grandes, les rôles de l’entrepreneur et du propriétaire du capital sont clairement définis.
L’entreprise d’aujourd’hui intègre un ensemble de facteurs de production (ressources naturelles, personnes et capital), qui doivent être organisés par l’entrepreneur et orientés vers la réalisation de certains objectifs commerciaux, tels que la réalisation d’un profit, mais sans oublier sa responsabilité sociale envers l’environnement qui l’entoure et qui conditionne son activité.
L’entreprise n’est donc pas une entité isolée, mais fait partie d’un environnement beaucoup plus complexe, composé d’éléments liés entre eux et avec l’entreprise elle-même, sur lesquels l’entreprise n’a que peu ou pas d’influence, mais qui conditionnent son activité. Il s’agit de facteurs démographiques, technologiques, juridiques, de concurrents, d’intermédiaires ou d’institutions financières, pour ne citer que quelques exemples.
L’entreprise contemporaine doit également intégrer les notions de parties prenantes et de responsabilité sociale de l’entreprise. Avec ces notions, l’entreprise n’est plus seulement responsable devant ses actionnaires mais aussi devant d’autres acteurs (employés, gouvernement, communautés, etc.) qui sont directement ou indirectement impliqués ou affectés par ses activités.
Cette évolution témoigne d’une transformation profonde du concept d’entreprise, passant d’une simple unité économique à un acteur social complexe, intégré dans un écosystème global et porteur de responsabilités multiples. L’entreprise moderne doit désormais jongler entre performance économique, impact environnemental, bien-être social et gouvernance éthique, marquant ainsi une nouvelle étape dans l’évolution de ce concept central de notre économie.